Le salon de la maison

Kay était assis sur une chaise simple à la table du salon. Devant lui s'étendait des feuilles de papier et un gros livre relié. Il réflechissait... perdu dans ses pensées comme il en avait l'habitude. De bonne humeur, il était rentré ce soir relativement tard à la suite d'un rendez-vous mystérieux. Mais sa toux l'avait rattrapé et il était là maintenant encore au travail.

– Davy, que fais-tu encore ? Pourrais-tu m'apporter enfin mon thé noir ?

Kay se dit que Davy était quand même une aubaine pour lui... avoir un garçon à sa disposition était déjà une bonne chose. Mais en plus un humain né ici avec une créature magique de Célestia comme parent. Ceci pourrait simplifier son projet.

– Davy !

Davy était en train de préparer le thé noir de Kay. Perdu dans ses pensées, ses gestes étaient plutôt lents par conséquent. Il songeait à la toux de Kay, qui l'inquiétait à chaque fois. Et s'il avait une grave maladie se soldant par la mort? Il ne le supporterait pas, de rester seul sans Kay...Déjà qu'il se sentait nerveux et insécure chaque fois qu'il le laissait pour quelques heures, comme aujourd'hui...

Le jeune garçon entendit soudain la voix de son Kay adoré, qui le sortit de ses pensées:

«– Davy, que fais-tu encore ? Pourrais-tu m'apporter enfin mon thé noir ?»

Zut! Il l'avait fait attendre. Davy se hâta de verser le liquide foncé dans une tasse puis de ranger les objets qu'il avait utilisés dans une armoire.

«– Davy !»

-J'arrive!

Il se dirigea vers le salon, la tasse de thé à la main. Il tendit cette dernière à son amant.

-Voilà...Désolé pour l'attente...

Il le regarda d'un air contrit.

-Est-ce que...Est-ce que tu vas mieux?

Kay s'impatientait quand Davy arriva finalement. Si Kay disposait de nombreuses qualités en ce qui concerne le mental, la patience pour de petites choses n'en faisait pas parti.

– Pose la tasse ici s'il te plait

Il regarda Davy avec un mélange de curiosité et d'attachement. Kay souriait souvent à Davy, mais uniquement l'espace d'un instant. Comme pour ne pas que quelqu'un d'autre le voit.

– Oui, je vais mieux. Mais il faudra que j'aille voir la vieille sorcière qui me vend ses herbes à un prix de fou demain. Au pire, elles font un excellent thé et, au mieux, elles me soignent... un peu.

Kay bu une gorgée de la boisson chaude. Il s'aperçut que Davy était encore debout à côté de lui, fixant les feuilles sur la table et le livre.

– Qu'il y a-t-il Honey ? Quelque chose ne va pas ?

Il s'approcha un peu plus, fixant toujours le livre et les feuilles. Depuis qu'il le connaissait, Kay avait toujours fait plein de choses qu'il ne comprenait pas. Jusqu'à présent, il pensait humblement qu'il n'avait juste pas l'intelligence pour. Mais dernièrement...Cela avait empiré. Il n'aimait pas cela, premièrement parce que cela poussait son amant à s'absenter souvent, deuxièmement parce qu'il avait peur de ce que Kay pouvait être en train de faire. Il savait qu'il était capable de beaucoup de choses...

Il leva les yeux vers lui, triturant nerveusement son collier à chien d'une main.

-Kay...Qu'est-ce que tu es en train de faire? Pourquoi est-ce que tu n'arrêtes pas de partir sans moi? Je ne comprends pas ce qui se passe...

Davy déglutit. Il était inquiet...Cela faisait un petit moment que ça lui trottait dans la tête.

Kay appréciait beaucoup ces moments de nervosité de Davy. Dans un certain sens, il faisait revivre à ce dernier ce que lui même avait vécu avec le démon Nork. Cependant, dans l'état actuel des choses, il ne voulait pas voir Davy trop s'inquiéter. Ce pouvait être mauvais pour son plan. Tout devait rester normal

– Il n'y a rien Davy. Rien de nouveau du moins.

Kay prit le livre et le glissa dans une poche intérieure de son manteau. Puis il mit de l'ordre dans ses papiers.

– Ce n'est qu'un livre que j'ai emprunté à la bibliothèque de Nork. Il n'en a plus besoin de toute façon. Il contient peut-être ma clé de sorti. Et tu sais le plus beau dans tout ça ?

Il attrapa la tête de Davy par sa machoire dans un mouvement montant. Redressant la tête de Davy pour le regarder dans les yeux, il dit doucement avec sa voix rauque:

– Le plus beau c'est que tu vas m'aider, mon chéri.

Davy ne fut pas très convaincu par les paroles de Kay. Cependant, il ne se sentait pas le droit d'insister, alors il ne le fit pas. Pas qu'il ne faisait pas confiance à Kay, mais...Il savait qu'il le manipulait et se servait de lui. Il l'assumait, d'ailleurs. Cela faisait son affaire. Tant qu'il aurait besoin de lui, tant qu'il lui serait utile, ils resteraient ensemble...

Malgré certains sourires, malgré quelques moments de tendresse épars, Davy ne savait toujours pas avec certitude si son amant l'aimait vraiment ou pas. Il était si manipulateur, comment savoir...Au fond, il avait peur de la réponse. De toute façon, même s'il apprenait avec certitude que Kay ne l'aimait pas, qu'est-ce que ça changerait, concrètement? Il resterait quand-même, jusqu'à ce que son amour lui dise de partir.

Il sentit tout de même son coeur se serrer. Il n'aimait pas l'entendre parler de cette ''clé de sortie''. Secrètement, il avait peur que Kay ne le laisse derrière lui pour se rendre là où il désirait aller...Il était extrêmement insécure par rapport à lui.

Davy ouvrit de grands yeux lorsque son chéri l'attrapa par le menton.

« Le plus beau c'est que tu vas m'aider, mon chéri. »

Il déglutit et répondit, d'une voix rauque lui aussi:

-Que veux-tu de moi, Kay? Tu sais que je ferai tout ce que tu veux...

Il était absolument sincère. Il ferait n'importe quoi pour Kay...

Kay restait toujours surpris de la docilité de Davy. Il savait qu'il avait du pouvoir sur les autres par la simple application de sa volonté. La plupart des gens sont des esprits faibles. Surtout ici puisque Célestial n'est composé que d'ersatz de créatures réelles. Mais Davy était particulier. Ce ne pouvait être simplement sa volonté qui retranchait Davy dans cette parfaite docilité.
Et ses yeux si tristes le retournaient aussi. Le pouvoir de Davy ne pouvait s'appliquer à Kay. Est-ce que ce sentiment qui lui serrait le ventre à l'instant pouvait être... de l'affection ? Non certainement pas ! Finalement le pouvoir de Davy devait juste déteindre un peu. Il devra s'efforcer de mieux bloquer cet influence.

– Oui je sais Davy, mais ce n'est pas le moment. Tiens, va porter ça dans le tiroir de ma table de chevet dans notre chambre.

Kay tendait à Davy la pile de papiers rangés.

– Je vais devoir aller bientôt me coucher. Mes poumons n'ont pas été doux avec moi aujourd'hui. Peut–être est-ce l'alcool au restaurant...

Kay regarda Davy toujours plongé dans ses pensées.

– Ne traînes pas Davy !

Davy ne lâchait pas Kay des yeux une seconde, guettant avidement la moindre parcelle de tendresse dans les yeux de son amant. Mais comme d'habitude, il eut du mal à déchiffrer ce qu'il y lut. Aucune réponse ne lui vint, en tout cas...Si seulement il avait pu savoir ce que Kay lui réservait dans le futur...

Il n'eut même pas droit à une réponse. Kay avait besoin de lui? Mais pourquoi? Il prit la pile de papier, ses questions toujours en tête. Il n'était qu'un pauvre garçon ordinaire, il n'était rien sans lui...Comment pourrait-il donc aider Kay dans ses plans?

Il sortit rapidement de ses pensées sous l'injonction de son compagnon et courut presque ranger les documents à leur place.

-Non non, je ne traîne pas.

Il revint ensuite se planter sagement devant lui. Les mains derrière le dos, il demanda timidement:

-Est...Est-ce que je peux dormir avec toi, ce soir?

Il passait beaucoup de nuits par terre ou sur le canapé du salon...

La réponse de Kay ne tarda pas. Mais comme toujours, elle n'était pas clair. La main de Kay parcouru rapidement le chemin entre sa taille et le visage de Davy pour lui infliger une claque bruyante.

– As-tu perdu tout sens de la politesse ? On dit « s'il te plait, Kay » ! Tu mériterais le salon pour ça.

Dès que la peine se fit sentir dans le regard de Davy, Kay changea de ton.

– Mais tu as été délicieux ce soir et même toute la journée. Je pense que je vais oublier ce détail et te laisser dormir à mes côtés. Après tous les nuits commencent à être froides pour moi aussi.

Le corps de Kay se rapprochaient de celui de Davy. La main de Kay parcouru le torse imberbe de son jeune amant, caressant le téton de ce dernier avec le pouce. Kay se pencha et lui embrassa doucement la poitrine.

– En plus, tu n'as pas eu le temps de m'aider à me détendre sous la douche. C'est le moment je crois.

Il prit la main de Davy et l'entraîna dans leur chambre.

Brusquement, Davy reçut une claque assez forte sur la joue. Il recula d'un pas sous le choc et ses yeux se remplirent de larmes comme à chaque fois. Pas tellement à cause de la douleur, non, à force de se faire frapper à tort et à travers il avait appris à ne plus pleurer chaque fois. Non, c'était simplement qu'à chaque fois qu'il le frappait, il avait l'impression de l'avoir déçu, et il n'aimait pas le mécontenter. Même si un petit côté de lui lui soufflait que Kay exagérait, son manque de confiance en lui, son peu d'estime personnelle et sa dévotion à l'égard de son amant le poussaient à se sentir coupable à chaque fois.

Il allait renifler pour contenir ses larmes, mais la suite des paroles du plus vieux le consolèrent un peu. Au moins il était content de lui en général...Et puis il allait pouvoir dormir à ses côtés. Cela le remplissait de joie!

Il frissonna soudain quand il vit Kay s'approcher de lui avec cette lueur dans les yeux qu'il connaissait si bien. Il y avait si longtemps qu'il ne l'avait pas touché de cette manière...Davy sentit son coeur s'accélérer et son souffle se troubler juste au contact de ses mains sur sa poitrine. Les pointes de ses tétons se durcirent et il faillit gémir d'envie au doux baiser qui lui fut prodigué.

Il se laissa entraîner sans dire un mot, le regard remplis de luxure et d'adoration envers celui qui, il y a bien longtemps, l'avait sauvé de son Enfer...

La porte claqua derrière eux.

Suite de l'histoire dans La chambre à coucher des maîtres.